Karev Tyrs - Miles away before salvation, miles away from the ruins.

par Aart DeHaan Mar 18 Nov - 23:45

PREMIERE PARTIE

- La seringue est prête K.

L'homme ciblé ne leva pas la tête vers son comparse, il fixait de ses yeux vides par la fenêtre le désert avoisinant la petite cabane où les deux hommes se trouvaient. Après quelques instants d'errance, il se tourna avant de se voir dans un bout de miroir brisé pendant au mur. Son apparence était hirsute, presque immonde, la moitié de son visage caché par une barbe non entretenue depuis fort longtemps alors que ses cheveux suivaient le même exemple, long et gras finit par être attaché en catogan. Ses yeux, pourtant d'un bleu acier ayant du charme, laissaient place à un écran sans émotion, vide d'âme. Il était un cadavre humain. Son regard se baissa alors vers l'autre homme, s'affairant à remplir une seringue avec un liquide dopant. Lui non plus n'était guère à envié, d'une maigreur affolante l'on aurai pu le confondre avec un squelette. Il aurai pu paraître jeune, si l'on le lui avait enlevé la crasse, toutefois, les épreuves que le junkie a fait enduré à son corps sont allés à le vieillir prématurément. Alors que le premier pouvait paraître pour un vieil ivrogne sans domicile, le second avait déjà un pied dans la tombe.

- Merde Karev t'attend quoi ?

Karev, le premier, vint lentement se placer sur la chaise à son côté alors que le junkie lui plaçait un garrot au niveau de l'avant-bras droit.

- Bon voyage ! Dit il tout en appuyant sur la seringue avec un sourire édenté de grand diable.

Le barbu n'eut le temps que d'entendre un rire déformé comme machiavélique de la part de son comparse mais trop tard, il était déjà loin.

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Mon nom est Karev, j'ai tendance à voir défiler ma vie lorsque je plane. Ironie du sort, je tente de m'extirper de ce monde par la drogue mais elle m'y rattache brutalement en me rappelant mes erreurs passées. Alors, pourquoi ne pas en parler ?

Ma mère, paix à son âme, était Tchèque. Mon père, ouvrier ayant raté ses études, l'avait levé lors d'un voyage à Prague et ramené au pays. Si je dois pas manquer de respect à ma mère personnellement, je peux vous mettre la voie de leur relation douteuse. Quoi que je dis que je lui dois le respect mais j'l'ai pas connu. Elle savait écarter les jambes pour recevoir mais pas pour donner. Elle est morte en couche. Mon héritage maternelle vient de mon prénom et apparemment de mes yeux. J'dois dire par contre qu'à son inverse, j'écarte pas les cuisses mais je les écarte plutôt bien pour donner. Par contre j'ai tendance à payer, ça je le tiens de mon père.

Cela dit je m’égare. Mon paternel ne s'est jamais remit de la mort de sa prostituée. C'était un putain d'alcoolique qui me haïssait. Les services sociaux sont rapidement venus me chercher, j'crois que j'avais six ou sept ans. On m'a donné à mon grand-père, un brave américain habitant à Pittsburgh. C'était aussi un connard finit. Passionné d'armes et de vieilles bécanes, il avait fait parti d'un MC avant de se retirer pour prendre en main sa vie de famille. Ce fut un échec, sa femme lasse de le tromper finit par le quitter. Son fils, à qui il essaya d'inculquer le goût des études échoua misérablement et s'enticha d'une pute de l'Est. Lui par contre ne me détestait pas, il voulait que je me forge une âme inébranlable.

I tried. Je ne vous mens pas, j'ai essayé de prendre exemple sur sa rigueur et de me prendre en main. J'ai été studieux, quelques années. En réalité, je suis toujours passionné par la lecture. Cela dit, j'aimais moins l'assiduité. Vous savez, la vie est pas drôle en plein cœur de la Rust Belt, du monde ouvrier en décadence. La violence, l'alcool, la drogue et la prostitution se mêlent au rythme de vie de chacun. Je n'avais aucune chance. Je ne pouvais pas bien finir.
Ca a finit comme ça devait finir. Je me suis barré en volant le vieux Revolver modèle 1878 et la Harley Davidson Shovelhead 1981 de mon aïeul. J'avais quoi ? Seize ans, j'étais le plus vieux de notre petite bande. On peut pas dire que j'ai été influencé. J'ai choisis mon style de vie, moi-même ! Les autres, aussi, s'étaient barrés en tirant des affaires à leur parents. Voitures, armes, drogues … On avait un petit nombre mais on se sentait les rois du monde, libérés, sur la route pour l'Ouest. A vrai dire, on venait de l'Est et on était paumé donc on a juste décidé de traverser le pays et de survivre selon nos propres choix.

A partir de là c'est partit en couilles. Certains se firent attraper par la flicaille, d'autres butés pour leur conneries. J'ai frôlé la mort de nombreuses fois également mais me voilà en plein trip, dans cette cabane paumée sur une colline avoisinant la petite ville de Tucson, mangée par la poussière, en Arizona.

Je suis défoncé mais je suis certain de ne pas être mort. Je peux même dire qu'on est en 2013 merde.

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- Ah putain … échappa longuement Karev, désormais étalé au sol.

Le drogué tangua lentement de la tête avant d'apercevoir son camarade squelettique lui aussi en état catatonique. Incapable de faire un mouvement, il bascula lentement son regard vers la porte venant s'ouvrir pour laisser place à deux autres paumés.

- J'ai une sa-sacrée idée pour nous sortir de ce trou à rats ! Dit le plus jeune, surexcité.

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Lorsqu'on attire la merde, c'est dur de s'en défaire. Cette fois-ci, les conneries des uns allait faire payer beaucoup d'autres. Toutefois, ce n'était qu'une étape vers la salvation. Elle était nécessaire afin que je prenne, enfin, en compte certaines choses.

DEUXIEME PARTIE

- Alors qu'est-ce que t'en pense Buddy ?
- C'est tellement con que ça pourrait marcher K.

Karev reprit une gorgée de sa bière, cachée dans un sac en carton, tout en marchant, les yeux vers l'horizon. Les deux hommes sortaient tout juste du vendeur d'alcool, au centre de la petite Tucson. L'hiver était proche, la poussière se teintait déjà de givre. Il ne fait pas bon vivre à la frontière de la Rust Belt, là où tout les péquenauds s'échouent pour rouiller à l'image de leur ville et travail. Karev ne fit que se répéter en tête ce que venait de dire son compagnon « Buddy » afin de s'en convaincre lui-même. Puis, alors qu'ils s'approchaient d'une vieille carcasse leur servant de voiture, le meneur décida de s'arrêter pour souffler quelques mots.

- C'est totalement con...

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Je le redis encore aujourd'hui, c'était totalement con.

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- Merde, on est à court de ressources K ! On est à bout de souffle ! Protesta alors Buddy.

Le drogué resta alors fixe, silencieux, les yeux rivés sur le parvis. Buddy bouillonnait, il ne venait pas de lancer ça prit sur le coup des émotions, il y avait un passif. Il y avait ici une certaine usure.

- Tu nous avais vendu du rêve Karev, mais regarde nous ! Regarde nous merde ! Nous sommes tous foutus ! Morts ! Enterrés dans la poussière ! Est-ce que tu es avec nous ?!
- Oui … souffla alors Karev comprenant l'ampleur de la situation où il se trouvait

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On était foutu, plus de drogue, plus d'argent, plus rien. On avait dérivé jusqu'à une mort certaine. Je les y avait menés. Ils pensaient se sauver en braquant un tripot de jeux de la pègre. Il n'y avait que très peu de gardes, les bonnets venaient sur un terrain neutre pour jouer et discuter. Toutefois les braquages étaient fréquents. Bien souvent ils étaient organisés par le gérant du tripot. Sauf que tout se sait et généralement cela ne finit pas bien.

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- Mains en l'air ou je t'allume ! Cria Buddy, ridicule, son visage caché sous des bas.

Le mobster vint lentement obéir, regardant les braqueurs avec dédain. Karev replaça son vieux revolver dans son dos, coincé entre son pantalon et sa chemise avant de s'approcher d'une table pour faire glisser les liasses vertes dans un sac poubelle.

- Vous n'auriez jamais du faire ça. Vous êtes morts les gars.
- Y'a autant de probabilités que tu me retrouve que si je baisais ta fille, ta femme et ta mère en même temps. Maintenant, ta gueule ou je t'élargis ton cul de pédale qui aime bouffer des queues, lui répondit Karev.

Il vint lâcher ces insanités sans pour autant prendre un quelconque ton énervé. Bien au contraire, il est d'habitude que Karev parle d'une voix douce, presque atone pour ne venir accentuer que les mots d'importance. Le mobster se redressa alors, défiant le voleur du regard. Après avoir entassé les liasses dans le sac, Karev vint dégainer de nouveau son modèle 1878 avant de pointer les parties génitales du gros bras ayant prit la parole.

- Te pisse pas trop dessus beauté bien que ça va être la dernière fois que tu pourra l'utiliser.

Derrière le meneur, Jeffrey, un autre comparse de la troupe atypique commençait à s'impatienter, son fusil à canon scié tremblant. Karev tourna légèrement la tête de côté pour le regarder du coin de l’œil. Après quelques secondes, le meneur soupira avant de baisser son arme pour se diriger vers la sortie du tripot.

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Le réel soucis quand je suis sous une substance stupéfiante c'est que j'ai tendance à oublier des détails, à les mélanger ou même à les embellir. Cette histoire, celle de ma vie, est certes triste mais je tend à me vanter de mes talents de conteur. En tout cas, lorsque je vois ces souvenirs – fabriqués ou non – je me dis que j'ai quelque chose spéciale. Cependant, je n'arrive pas à savoir si c'est bon ou mauvais. A vous de me le dire.

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Karev filait sur la route, aux commandes de sa vieille Shovelhead. Il jeta un bref coup d’œil derrière lui afin de voir que Jeffrey le suivait, au volant d'une vieille Cadillac, venue tout droit d'un autre temps. Il inspira longuement avant de commencer à fermer les yeux. Le drogué se sentait libre sur la route et surtout, chez lui. Néanmoins, vision qui mit fin à sa transe, il s'attarda sur un Dodge, patientant lentement à un croisement alors qu'aucune voiture ne passait sur l'autre sens. Bien que comme doté d'un sixième sens, Karev sentit le danger, il ne fit que ralentir alors Jeffrey le colla bientôt. Après leur passage devant le véhicule suspect, celui-ci s'engagea sur la même route de campagne afin de les suivre. Ne serai-ce qu'une minute plus tard, il percuta la Cadillac de Jeffrey qui à son tour entra en contact avec l'Harley de Karev qui dévia sur la gauche avant de se renverser et glisser le long du bitume. Jeffrey alla quant à lui à la rencontre d'un arbre.

Au sol et étourdit par ce qui venait d'arriver, Karev pu voir une homme sortir du Hummer pour s'approcher vers Jeffrey, en sang et inconscient. Le tueur abattit le junkie d'une balle dans la tête, de son Walther PPK disposant d'un suppresseur de son. C'est alors qu'il s'approcha du motard qui commençait déjà à se relever malgré le trouble qu'il subissait. Toutefois, une balle à l'épaule vint stopper l'ascension de Karev, le clouant de nouveau au sol.

- J'ai un message pour toi, dit l'assassin tout en continuant sa marche.

Il ne restait plus beaucoup de temps, plus beaucoup de solutions. Karev se laissait peu à peu entraîner dans les méandres de l'inconscience. Néanmoins, d'un seul coup, comme un éclair de génie, emplit d'espoir, il se tourna sur le côté pour se saisir de son revolver dans son dos avant de pointer le canon vers le tueur pour ensuite décharger trois projectiles. Son adversaire n'eut le réflexe que de tirer une balle, qui vint rebondir au sol à côté du survivant, avant de s'effondrer, pétrifié.

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Les autres avaient été tués avant, nous ne faisions que fuir. La providence m'a sauvée. Buddy n'avait pas voulu partir de la ville, dépensant ce que nous avions volé. Ils l'ont retrouvés pour le faire couiner. Voilà comment ça s'est finit. Enfin pas exactement … Mon dernier souvenir de cette période est de me retrouver au milieu d'une pièce avec une dizaine de cadavres à côté de moi, le sang en maître dominant. Je crois que je suis un putain de démon.